Alto fait Echos sur la peur du « tout-anglais »

Alto fait Echos sur la peur du « tout-anglais »

Interviewée par le magazine Les Échos, Amanda Galsworthy a livré son point de vue éclairé sur une peur notamment présente en France, la peur du « tout-anglais ».

Voici le contenu de l’article, à retrouver aussi sur LesEchos.fr :

Langues : cessons d’avoir peur du « tout-anglais »

L’anglais n’a pas vocation à devenir une langue dominante. Il est couramment utilisé car compris par le plus grand nombre. Cela ne remet pas en cause, pour autant, l’usage du français.

« If you talk to a man in a language he understands, that goes to his head.  If you talk to him in his language, that goes to his heart. » Ces mots de Nelson Mandela me semblent très adaptés au contexte actuel. Parler la langue de l’autre n’est pas un renoncement, c’est une marque de respect, qui fera qu’un auditoire prête attention plutôt que de simplement prêter l’oreille.

Les deux phrases ne se contredisent pas, elles se complètent, tout comme l’emploi de l’anglais comme langue de communication à l’échelle internationale doit aller de pair avec la protection des langues locales et régionales, qui sont le creuset de nos cultures.

Un signal fort

Le choix du « tout anglais » au récent sommet de l’attractivité à Versailles, loin de remiser le français au placard de l’Histoire, a pour effet paradoxal de mettre en exergue la culture française. En effet, la mise en scène versaillaise attire le regard du monde sur la France et l’effet de surprise est total : on s’attend forcément à ce que le président de la République française parle français, et… non !

Ce choix est un signal fort : celui de se faire comprendre.

Il a choisi de parler la langue de la majorité de ceux qui l’écoutent. Ce choix est un signal fort : celui de se faire comprendre. Ici, la langue est un outil de communication maîtrisé, qui pousse à l’action collective et qui fédère. C’est un choix d’intelligence culturelle, une volonté non pas d’uniformisation, mais de pluralisme, tout comme la francophonie dans le plurilinguisme. L’intelligence culturelle est une posture d’ouverture, un geste fort envers l’Autre.

Exigence absolue

En communication, la SEULE chose importante est ce que l’Autre entend, et non pas ce que l’on dit ou ce qu’on a voulu dire. Les paroles prononcées mais incomprises restent de vaines paroles. D’où l’importance d’une exigence absolue de qualité lorsqu’on s’exprime ou que l’on passe par des professionnels non seulement de la langue mais surtout de la communication que sont les interprètes de conférence.

Interprète moi-même depuis trente-quatre ans, je suis plus que jamais convaincue que l’ouverture aux langues est avant tout une question de respect, car la langue est la moelle osseuse de notre identité, celle qui fabrique la culture qui nous irrigue, l’île sécurisante dans la montée des eaux de la mondialisation.

Attention au « globish »

Je ne crois nullement que l’anglais soit une langue à vocation mondiale – et c’est une anglaise qui l’écrit – dans le sens où l’anglais serait « de droit » une langue dominante, et surtout pas ce « globish » qui est une pâle copie de l’Esperanto dont plus personne n’ose encore croire que c’est la langue rêvée de Babel. Le français est bien moins menacé par l’anglais que l’anglais ne l’est par le globish !

Certes, c’est un outil pratique pour une communication factuelle, tout comme les outils de traduction automatique sont utiles pour permettre à un traducteur de « défricher » un texte, avant de commencer à le rédiger. Mais ce que nous n’enseignons pas assez à nos enfants, c’est que la langue « étrangère » qu’ils peinent à apprendre, au-delà des déclinaisons, tons ou accents toniques, doit cesser d’être « étrangère » pour devenir tout simplement la langue d’autrui, celle qui nous permet d’appréhender une autre vision du monde, tout aussi construite et complète que la nôtre.

Une question de complémentarité

L’apprentissage des langues, c’est l’apprentissage de la complémentarité des visions du monde. Dans « Einstein’s Dreams » d’Alan Lightman, le jeune Einstein rêve en 1905 une trentaine de variantes sur le thème du temps et de la relativité, chacune aussi plausible que la précédente, pour aboutir à celle qui nous est familière, mais qui aurait tout aussi bien pu être « autre ».

Les langues ne se font pas concurrence, elles se complètent : celles que l’on parle pour être compris du plus grand nombre et celles qui visent le coeur des hommes. Elles nous enseignent le respect de la différence, la diversité et l’ouverture, qui sont les messages essentiels que nous devons porter en France comme ailleurs.

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